Refus d’aménager le poste de travail d’un salarié handicapé

Lorsque le médecin du travail formule des préconisations sur l’aménagement du poste de travail d’un salarié handicapé, il est impératif de les respecter. La Cour de cassation a précisé les conséquences d’un refus de les suivre.

Pour garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des salariés reconnus handicapés, l’employeur doit prendre, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre notamment de conserver un emploi correspondant à sa qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées. Le refus de prendre ces mesures peut constituer une discrimination (C. trav. art. L 5213-6 et L 5212-13).

Lors d’un litige en matière de discrimination, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, Au vu de ces éléments, l’employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (C. trav. art. L 1134-1).

Refus de suivre les préconisations d’aménagement du poste de travail

Une salariée en contrat de travail à durée déterminée (CDD) a été reconnue travailleuse handicapée. Le médecin du travail a préconisé, à la suite de deux visites médicales, des aménagements de son poste, la mise à sa disposition d’un fauteuil de type ergonomique pouvant être réglé en hauteur et doté d’un appui lombaire, d’accoudoirs et de repose-pieds. Après l’échéance de son CDD, la salariée a saisi le juge prud’homal d’une demande de dommages-intérêts pour discrimination. L’employeur a refusé de lui fournir ce fauteuil compte tenu de la proximité de l’échéance de son CDD, alors qu’il avait fourni un siège similaire à une autre salariée de l’entreprise, comme le démontrait une facture produite aux débats par la salariée. En appel, les juges ont rejeté sa demande, considérant que la salariée ne produisait aucun élément de fait laissant supposer une discrimination liée à son handicap.

Des éléments laissant supposer une discrimination

 La Cour de cassation a censuré la décision du juge. Elle a rappelé que le juge, saisi d’une action au titre de la discrimination en raison du handicap, doit, d’abord, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, tels que le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail, ou son refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures. Le juge doit ensuite rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l’impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à leur mise en œuvre.

Ayant constaté que le médecin du travail avait préconisé la mise à disposition de la salariée d’un fauteuil de type ergonomique et que l’employeur ne l’avait pas fourni, la cour d’appel aurait dû déduire que la salariée fournissait des éléments de fait laissant supposer un refus de prendre des mesures appropriées d’aménagement raisonnable. L’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’appel qui devra apprécier les motifs de refus de l’employeur.

Source : Cass. soc. 2-4-2025 n° 24-11.728

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