Com. 24 mars 2021, n° 19-20.033

Selon la Cour de cassation, il résulte de l’article 1341-2 du code civil que, « si le créancier qui exerce l’action paulienne doit invoquer une créance certaine au moins en son principe à la date de l’acte argué de fraude et au moment où le juge statue sur son action, il est néanmoins recevable à exercer celle-ci lorsque l’absence de certitude de sa créance est imputée aux agissements frauduleux qui fondent l’action paulienne ».

Aussi la Cour se prononce-t-elle en faveur d’une banque qui avait consenti à une société deux prêts, garantis par les cautionnements de M. et Mme B…. La société ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 mars 2013, la banque a assigné les cautions en paiement. Au cours de cette instance, elle a découvert que, par un acte sous seing privé du 22 juin 2012, les cautions avaient créé une société civile immobilière, dont le capital social a été divisé en 450 parts, chacun d’eux en détenant la moitié et lui apportant une propriété immobilière, puis, par un acte notarié du même jour, avaient fait tous les deux donation à chacun de leurs deux enfants, de la nue-propriété de 112 parts sociales, de sorte qu’ils ne possédaient plus, chacun, que la pleine propriété d’une part sociale et l’usufruit des 224 autres. Considérant que cette donation avait eu pour objet d’organiser l’insolvabilité des cautions, la banque les a assignés ainsi que leurs enfants en invoquant la fraude paulienne, sur le fondement de l’article 1341-2 précité, afin que lui soient déclarés inopposables l’apport à la société civile immobilière de l’immeuble litigieux et la donation subséquente.

Les juges d’appel ont débouté la banque de sa demande, au motif qu’un jugement rendu le 12 juillet 2018 ayant jugé les engagements des époux manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, la banque n’avait plus de créance certaine contre les cautions au jour où le juge s’est prononcé.

L’arrêt d’appel est censuré par les hauts magistrats : « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l’y invitait la banque en se prévalant de l’article L. 341-4 devenu L. 343-4 du code de la consommation, si, en l’absence des actes que celle-ci arguait de fraude paulienne, le patrimoine des cautions ne leur aurait pas permis de faire face à leur obligation au moment où elles ont été appelées et si, par conséquent, la banque ne pouvait pas, en dépit de la disproportion de leurs engagements au moment de leur souscription, invoquer un principe certain de créance contre eux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

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