Civ. 1re, 24 oct. 2012, FS-P+B+I, n° 11-17.094

Le président du tribunal statuant en la forme des référés a compétence la plus étendue pour régler à titre provisoire les modalités de jouissance des biens indivis, dès lors du moins que la contestation de l’existence même du droit opposé aux autres indivisaires ne relève pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction ou formation saisie au fond. 

En indivision avec d’autres héritiers de son défunt mari, en l’espèce deux filles issues d’une précédente union, une veuve, conjoint successible, manifeste sa volonté de bénéficier du droit viager au logement dans le délai d’un an à partir du décès. S’ensuit une double procédure : l’une devant le tribunal de grande instance (TGI), aux fins de voir contester l’existence même de ce droit – le bien devant supporter ce droit ne serait pas le logement que le conjoint successible « occupait effectivement, à l’époque du décès, à titre d’habitation principale » (C. civ., art. 764) ; l’autre devant le président du TGI statuant en la forme des référés, pour régler l’usage du bien indivis litigieux – par fixation d’un calendrier de jouissance et d’une indemnité (C. civ., art. 815-9). De la seconde procédure, plus rapide, procède une ordonnance qui, après avoir considéré que le droit d’habitation du conjoint non établi, fait droit à la demande des filles du défunt. La veuve interjette appel, sans succès. L’arrêt de la cour de Paris est cassé par la première chambre civile.

C’est bien « en la forme des référés » que le président se prononce dans le cadre de l’article 815-9 du code civil et non techniquement par une ordonnance de référé. De telles décisions ont l’apparence des ordonnances de référé, mais n’en sont pas ; les prescriptions des articles 808 et 809 du code de procédure civile ne sont pas applicables. Ainsi saisi sur le fondement de l’article 815-9 du code civil, le président a compétence la plus étendue pour régler, « à titre provisoire » (C. civ., art. 815-9) les modalités de jouissance des biens indivis (comp. la jurisprudence antérieure : civ. 2e, 16 juin 1982, Bull. civ. II, n° 91). Soit, mais jusqu’à quel point ? Il nous semble que la compétence exclusive d’une juridiction saisie, à savoir le tribunal de grande instance par les filles en indivision avec leur belle-mère à l’effet d’apprécier l’existence même du droit d’habitation, devait conduire l’autre à se dessaisir, à savoir le président statuant en la forme des référés qui ne peut alors prétendre régler l’exercice du droit d’usage des biens indivis entre les indivisaires (rappr. Civ. 2e, 12 oct. 1978, Bull. civ. II, n° 208) ; l’existence de l’un (le droit viager au logement du conjoint dont la valeur s’impute sur les droits successoraux) faisant obstacle à l’autre (le règlement de l’exercice du droit d’usage des biens indivis moyennant indemnité qui accroît à l’indivision). La Cour de cassation distribue ainsi les rôles dans son arrêt de censure : « la contestation de l’existence même du droit opposé aux autres indivisaires relevait de la compétence exclusive du tribunal que ceux-ci avaient saisi, la cour d’appel, statuant en la forme des référés, a excédé ses pouvoirs relatifs aux seules modalités d’exercice des droits indivis ». 

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