Civ. 1re, 11 sept. 2013, FS-P+B+I, n° 12-12.694 

Les clauses d’entrées en communauté des libéralités faites à un époux sont expressément autorisées par le deuxième alinéa de l’article 1405 du code civil (« La libéralité peut stipuler que les biens qui en font l’objet appartiendront à la communauté. Les biens tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement ») et font exception à la qualification de biens propres des biens concernés. Leur stipulation pose la question de leur combinaison avec la réserve héréditaire du légataire lorsque celui-ci est marié sous le régime de la communauté légale.

En l’espèce, une mère institue par testament son fils – marié sous le régime de la communauté – légataire universel à la condition que le legs entre en communauté. Une fois la disposante décédée en 1998, le légataire est entré en possession de l’actif successoral correspondant au montant de valeurs mobilières léguées. Après le prononcé de son divorce en 2005, il a contesté le projet d’état liquidatif prévoyant l’inscription à l’actif de la communauté de la totalité des valeurs mobilières. Se prévalant de la réserve héréditaire, il a demandé à ce que cette inscription soit limitée à 50 % du montant de l’actif successoral.

La cour d’appel a confirmé le jugement déboutant le légataire de sa demande. Elle retient qu’il a demandé personnellement le règlement des sommes faisant l’objet du legs à l’organisme de gestion mais qu’il n’a pas entendu protéger son droit d’héritier réservataire lors de la liquidation de la succession de sa mère. En conséquence, « il ne peut s’en prévaloir dans cette instance alors que la succession de sa mère est close et qu’il l’a acceptée ».

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 913 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 en ce qu’il rejette la demande du légataire tendant à la reprise de 50 % des sommes léguées. Dans un attendu de principe, elle affirme « qu’il résulte de ce texte qu’aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi ». Elle retient, dans ses motifs, que le légataire n’avait pas mis les biens légués à la disposition de la communauté. Consécutivement, il ne pouvait pas être déduit des circonstances de l’espèce qu’il avait renoncé à son droit d’exiger le cantonnement du legs à la quotité disponible.

L’arrêt soulève deux questions complémentaires. La première tient à l’extinction du droit pour l’héritier réservataire d’obtenir la réduction des libéralités qui excède la quotité disponible. Celle-ci peut résulter de la renonciation au droit de demander la réduction du legs qui doit être expresse ou tacite (M. Grimaldi, Droit civil. Successions, Litec, 1998, n° 825, p. 764) ce qui n’était pas le cas en l’espèce comme le souligne la Cour de cassation et ne peut pas résulter du silence gardé par l’héritier au cours de la liquidation de la succession. Bien évidemment, l’héritier réservataire doit prendre garde à la prescription extinctive de son action. Autrefois trentenaire, sa durée a été réduite par la loi du 23 juin 2006. Elle est de cinq ans à compter de l’ouverture de la succession ou de deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte à leur réserve sans pouvoir excéder dix ans à compter du décès (C. civ., art. 921, al. 2).

La seconde question porte sur la combinaison de la clause d’entrée en communauté avec la réserve héréditaire. Dans son attendu de principe, la Cour de cassation affirme que la clause d’entrée en communauté ne peut modifier les droits des héritiers réservataires. Le code civil définit la réserve comme « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires » (C. civ., art. 912). Elle est d’ordre public. La quotité disponible désigne, quant à elle, la part des biens et droits dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. En présence d’un enfant, elle ne peut excéder la moitié des biens du disposant (C. civ., art. 913). Le legs universel fait par la mère à son fils à la condition de son entrée en communauté excède manifestement la quotité disponible et avait donc vocation à être cantonné à hauteur de 50 % du montant des valeurs mobilières léguées. 

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