Civ. 1re, 15 avr. 2015, FS-P+B, n° 14-10.661

Une personne décède en laissant un testament authentique, par lequel elle a institué pour légataire universel une fondation à créer. À l’initiative de l’exécuteur testamentaire, une fondation a été constituée et inscrite au registre du commerce de Genève. Le legs lui a alors été délivré. C’est dans ces circonstances que l’unique héritier du défunt a poursuivi, devant les juridictions françaises, la nullité de ce legs. Sa demande ayant été rejetée par les juges du fond, un pourvoi en cassation est formé, qui n’est pas accueilli par l’arrêt rapporté du 15 avril 2015.

Sous l’angle du droit interne, il faut en effet rappeler que la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat prévoit que la fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif, étant ajouté que lorsque l’acte de fondation a pour but la création d’une personne morale, la fondation ne jouit de la capacité juridique qu’à compter de la date d’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État accordant la reconnaissance d’utilité publique (art. 18). Dans le domaine des libéralités, cette même loi énonce qu’un legs peut être fait au profit d’une fondation qui n’existe pas au jour de l’ouverture de la succession sous la condition qu’elle obtienne, après les formalités de constitution, la reconnaissance d’utilité publique. Dans ce cas, et par dérogation, la personnalité morale de la fondation reconnue d’utilité publique rétroagit au jour de l’ouverture de la succession (art. 18-2).

La mise en œuvre de ces principes se heurte à des difficultés spécifiques dans un cadre international, dans l’hypothèse – qui était celle de l’affaire – où la fondation est constituée à l’étranger. Sur ce point, l’arrêt appelle différentes remarques.

En premier lieu, il approuve les juges du fond d’avoir retenu que la succession mobilière litigieuse était soumise à la loi française, de sorte que les conditions requises pour succéder relevaient de cette loi, en particulier celle tenant à la nécessité, pour la fondation, de disposer de la personnalité morale au jour de l’ouverture de la succession. Cette référence à la loi française est une simple application du principe classique du droit français qui oppose les successions immobilières aux successions mobilières et qui retient pour ces dernières que « les meubles héréditaires étant réputés exister au lieu d’ouverture de la succession, leur dévolution est régie par la loi du dernier domicile du défunt ». Il est toutefois essentiel de noter que ce principe classique sera prochainement écarté en application du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012. Ce règlement, qui s’appliquera aux successions des personnes décédées à compter du 17 août 2015, donnera compétence, pour l’ensemble de la succession, à la loi de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle (art. 21, § 1).

En deuxième lieu, l’arrêt approuve les juges du fond d’avoir, en substance, considéré qu’il y avait lieu de rechercher si la fondation en cause avait bien, le cas échéant avec un effet rétroactif au jour de l’ouverture de la succession, la personnalité morale « selon la loi régissant son statut », c’est-à-dire selon la loi de son siège. Il est ainsi nécessaire de déterminer le contenu de la loi étrangère concernée, avec les difficultés qu’une telle détermination implique.

En troisième lieu, l’arrêt précise – pour la première fois, semble-t-il – que la fondation suisse n’avait pas, en l’espèce, à obtenir la reconnaissance d’utilité publique en France. Cette position peut être approuvée. Certes, la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 impose qu’une fondation qui n’est pas constituée au jour de l’ouverture de la succession soit reconnue d’utilité publique pour bénéficier d’un legs. Néanmoins, il serait difficile d’admettre que cette exigence soit requise des fondations étrangères, alors qu’elles sont soumises à la loi régissant leur statut et que cette loi n’instaure pas nécessairement le mécanisme de la reconnaissance d’autorité publique.

En quatrième lieu, dans l’affaire rapportée, l’exécution du legs avait été autorisée par un arrêté ministériel, conformément aux dispositions de l’article 3 du décret n° 66-388 du 13 juin 1966 qui était applicable en la cause. Cet article 3 est cependant abrogé depuis le 22 mars 2012. Désormais, l’article 910 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, dispose que les libéralités consenties à des États étrangers ou à des établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités sont acceptées librement par ces États ou par ces établissements, sauf opposition formée par l’autorité compétente, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

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