Civ. 3e, 21 déc. 2017, FS-P+B+I, n° 16-25.406
Le présent litige portait sur l’empiétement d’une parcelle par un bâtiment et des murs de clôture. Condamnés au fond à supprimer ces ouvrages, les auteurs de l’empiétement ont formé un pourvoi en cassation.
Ils invoquaient en premier lieu le principe de proportionnalité des sanctions. L’empiétement étant en l’espèce minime par rapport à la superficie totale de la propriété (débord de 70 à 80 cm), il ne justifiait pas, selon les intéressés, la démolition des parties d’ouvrages en cause, dont notamment l’un des murs porteurs de la maison. Ils faisaient ainsi grief à la cour d’appel de n’avoir pas privilégié une réparation par équivalent du dommage, mieux adaptée à la situation.
En deuxième lieu, les demandeurs au pourvoi faisaient valoir que la proportion qui doit exister entre la sanction et le but légitime poursuivi est également une manifestation du droit au respect de ses biens, garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. Il était ainsi reproché à la cour d’appel de retenir que le propriétaire victime est le seul à pouvoir se prévaloir de cette disposition.
Enfin, ils mettaient en exergue le comportement fautif du propriétaire victime. En raison du caractère dérisoire de l’empiétement et de l’absence de gêne occasionnée, la persistance du propriétaire à solliciter la démolition des ouvrages procédait à leurs yeux d’une intention malveillante, caractéristique d’un abus de droit.
La haute juridiction rejette cependant l’ensemble de ces arguments et confirme la démolition des ouvrages à l’origine de l’empiétement. À ce titre, elle rappelle avec force que « tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, sans que son action puisse donner lieu à faute ou à abus ». La Cour de cassation ajoute que seul le propriétaire victime de l’empiétement est fondé à se prévaloir de l’article 1er du protocole précité, à l’exclusion du propriétaire condamné à démolir son bien.
Autrement dit, la Cour confirme que le juge amené à statuer en matière d’empiétement n’est pas tenu de prendre en considération les circonstances du dommage (caractère négligeable de l’empiétement, bonne foi du constructeur…) et qu’elle n’exerce elle-même pas de véritable contrôle de proportionnalité entre les préjudices causés par l’empiétement et les conséquences de la démolition.
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