Civ. 2e, 23 juin 2016, F-P+B, n° 15-14.633
La prescription à l’égard du débiteur principal n’est pas interrompue par la seule signification du commandement de payer au tiers détenteur. Il faut en outre que la signification du commandement de payer, mentionnant que le commandement valant saisie immobilière est signifié au tiers détenteur, soit faite au débiteur principal.
En l’occurrence, un commandement valant saisie avait été délivré d’abord au tiers détenteur par le créancier hypothécaire avant de l’être au débiteur principal la veille de la délivrance de l’assignation du seul tiers détenteur à comparaître à l’audience d’orientation. Sur appel du jugement d’orientation, la cour d’appel a rejeté les arguments du tiers détenteur fondé notamment sur la prescription de la créance principale, sans que la Cour de cassation n’y trouve à redire : « le tiers détenteur d’un bien immobilier, débiteur du droit de suite, n’est pas fondé à se prévaloir de la prescription de la créance principale à l’appui de sa demande de mainlevée du commandement de payer valant saisie ».
Non assigné à l’audience d’orientation, le débiteur principal a toutefois formé tierce-opposition à l’encontre de l’arrêt rendu. Une tierce-opposition qui était bel et bien recevable dès lors qu’il contestait le caractère liquide et exigible de la créance dont il était redevable selon les juges d’appel. Seulement, son moyen tiré de la prescription de la créance est rejeté par la cour d’appel au motif que le commandement valant saisie signifié au tiers détenteur des biens saisis avait interrompu le délai de prescription à l’égard du débiteur. Une démonstration que condamne cette fois la Cour de cassation au visa des articles 2190, devenu L. 311-1 du code des procédures civiles d’exécution et 2244 et 2461 du code civil, et des articles 16, 17 et 31 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, devenus R. 321-4, R. 321-5 et R. 321-19 du code des procédures civiles d’exécution.
On sait que le créancier hypothécaire inscrit sur un immeuble le suit en quelques mains qu’il passe, pour être payé suivant l’ordre de leurs créances ou inscriptions (C. civ., art. 2461). Si bien qu’il peut pratiquer une saisie immobilière contre le tiers détenteur en vue de la distribution de son prix (C. pr. exéc., art. L. 311-1 et R. 321-4). Le cas échéant, le créancier poursuivant fait signifier un commandement de payer valant saisie au débiteur principal, l’acte comportant la mention que ce commandement est délivré au tiers détenteur (C. pr. exéc., art. R. 321-5). L’article R. 321-19 du code des procédures civiles d’exécution précise quant à lui que « la signification du commandement de payer valant saisie au tiers détenteur produit à l’égard de celui-ci les effets attachés à la signification du commandement de payer valant saisie au débiteur ».
Bien que non publié, et non suivi d’effets, un commandement de payer valant saisie interrompt tout de même la prescription de la créance. En revanche, s’il n’est pas signifié à son destinataire, il ne lui sera reconnu aucun effet interruptif. Dans cette affaire, la prescription de la créance à l’égard du débiteur était donc acquise, sans pourtant que le tiers détenteur puisse s’en prévaloir.
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