Civ. 1re, 15 mai 2015, F-P+B, n° 14-10.501

Alors que la tierce opposition n’est pas recevable à l’égard du jugement prononçant le divorce, elle peut désormais être exercée à l’égard du jugement d’homologation de la convention de divorce, en vertu de l’article 1104 du code de procédure civile. Il résulte aujourd’hui de ce texte que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil.

En l’occurrence, un jugement avait prononcé un divorce par consentement mutuel et homologué leur convention de divorce, ainsi que l’acte de liquidation partage de leur communauté. Un tiers, qui se prévalait d’une créance de dommages-intérêts contre l’ex-époux à la suite d’une procédure pénale ayant donné lieu à une condamnation de ce dernier, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu’il a homologué la convention de partage.

Une cour d’appel avait déclaré inopposable à ce tiers la convention homologuée au motif qu’il était manifeste que la liquidation de la communauté avait été faite à l’insu du créancier du mari. L’époux a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant qu’il résulte des articles 583 et 1104 du code de procédure civile que le créancier d’un époux ne peut former tierce opposition contre le jugement d’homologation de la convention de divorce qu’à la condition d’établir une fraude à ses droits.

Cette argumentation est validée par la Cour de cassation qui censure l’arrêt contesté au visa de ces articles. Elle relève qu’en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l’instance pénale à l’issue de laquelle l’époux a été condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d’agir en fraude des droits du créancier de son mari et s’il y avait collusion des époux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

La cassation pour défaut de base légale renvoie ici à la démonstration lacunaire de la volonté frauduleuse de l’époux, laquelle était nécessaire à la recevabilité de la tierce opposition du créancier à l’égard de la convention homologuée. Si l’article 1104 du code de procédure civile permet au créancier de former une tierce opposition contre un jugement d’homologation de la convention, l’article 583 du même code précise quant à lui que les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu « en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres ». Il résulte donc de la combinaison de ces deux textes que la fraude des parties à la convention de divorce homologuée permet de rendre recevable la tierce opposition du créancier, à condition toutefois de la démontrer. À cet égard, l’arrêt rapporté suggère que si le juge constate l’existence d’une démarche frauduleuse des parties à la convention de divorce homologuée, et qu’il admet par conséquent la recevabilité de la tierce opposition formée par un créancier des époux, il lui appartient d’établir de façon précise les éléments constitutifs de cette fraude. Du reste, la Cour ne fait pas que rappeler aux juges du fond la nécessité de caractériser plus en détails la fraude pour conclure à la recevabilité de la tierce opposition. Elle reproche ici à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’épouse avait pu avoir conscience d’agir en fraude des droits du créancier de son mari et s’il y avait collusion des époux. Cette position suggère que la fraude doit être caractérisée à l’égard des deux époux et non du seul époux débiteur pour permettre la tierce opposition du créancier. Si cette solution devait se confirmer, il s’agirait d’une restriction importante à la possibilité ouverte par l’article 1104 du code de procédure civile, dont le but était pourtant de faciliter la formation d’une tierce opposition à l’égard de la convention de divorce afin que le divorce n’aboutisse à un partage de biens permettant l’organisation d’une fraude aux droits des tiers. 

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