Civ. 1re, 28 mai 2015, FS-P+B, n° 14-15.686
Dans cette affaire, une personne faisant l’objet d’une mesure d’hospitalisation psychiatrique complète sans consentement décidée par arrêté du préfet reprochait à l’ordonnance rendue par un premier président de cour d’appel statuant sur sa demande de mainlevée d’avoir maintenu cette mesure au vu d’un certificat précisant que cette personne présentait des processus délirants sur un mode persécutif projectif centré sur les soignants, tout en contestant l’efficacité de son traitement. Son pourvoi invoquait le fait que le certificat à l’appui duquel la mesure d’hospitalisation complète avait été maintenue ne comportait aucune mention explicite à l’ordre public, ce qui serait caractéristique, selon le demandeur, d’une violation des articles L. 3213-1 et L. 3213-3 du code de la santé publique, le tout alors que le premier président saisi avait considéré que ce certificat répondait aux obligations posées par le dernier de ces textes, la mention explicite à l’ordre public manquante n’étant exigée que pour l’arrêté initial. La première chambre civile a rejeté ce pourvoi en se fondant sur les articles L. 3213-1, L. 3213-3 et R. 3213-3 du code de la santé publique, au motif que ces textes n’exigent pas la mention, dans le certificat médical circonstancié qu’ils prévoient, selon laquelle les troubles nécessitant des soins compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public, cette qualification relevant des seuls pouvoirs exercés par le préfet sous le contrôle du juge.
L’arrêt commenté offre une application littérale des termes des articles précités du code de la santé publique. L’article L. 3213-1, relatif à l’ouverture de la mesure, prévoit en effet que le représentant de l’État dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Ce texte n’exige donc pas expressément que le certificat médical fasse le lien entre les troubles constatés et l’existence d’une menace pour la sûreté des personnes ou d’une atteinte grave à l’ordre public. L’article L. 3213-3, qui précise le contenu du certificat médical requis pour le renouvellement de la mesure, est de la même veine en exigeant que ce certificat soit circonstancié, qu’il confirme ou infirme, s’il y a lieu, les observations contenues dans les certificats précédents, qu’il précise les caractéristiques de l’évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition et, enfin, qu’il précise si la forme de la prise en charge du malade demeure adaptée et, le cas échéant, qu’il en propose une nouvelle. Enfin, l’article R. 3213-3 impose que ces certificats médicaux soient précis, motivés et dactylographiés. Aucun de ces textes ne prescrit donc la moindre mention au trouble à l’ordre public généré par la ou les pathologies constatées dans le certificat médical, ce qui a conduit la première chambre civile à considérer, dans l’arrêt commenté, qu’un maintien d’une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement décidé au vu d’un certificat justifiant la mesure uniquement par référence à la pathologie de la personne qui en fait l’objet est régulier. Il ne doit en aller différemment que lorsque le certificat médical établi conclut à la nécessité de lever une mesure d’hospitalisation complète, auquel cas la motivation doit porter sur les soins nécessités par les troubles mentaux de la personne concernée et les incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes (V. CSP, art. R. 3213-3).
L’arrêt du 28 mai 2015 précise ainsi le départage des compétences entre le corps médical et l’autorité préfectorale en matière d’hospitalisations psychiatriques sans consentement. Le certificat médical doit ainsi être suffisamment détaillé, exposer les troubles psychiques dont souffre la personne de manière suffisamment précise pour permettre de conclure au bien-fondé de la mesure d’hospitalisation complète ou de son maintien. À l’opposé, seul le représentant de l’État dans le département est compétent pour apprécier les impacts du ou des troubles décrits par le certificat médical circonstancié en termes d’atteintes à la sûreté des personnes ou à l’ordre public. Sur ce dernier point, et compte tenu de la solution adoptée par l’arrêt commenté, les exigences relatives à la motivation de l’arrêté d’hospitalisation doivent être plus rigoureuses que celles qui découlaient de l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 3 novembre 1997, dans lequel il avait été jugé que l’arrêté qui ordonne le placement d’office d’une personne dans un établissement psychiatrique, dès lors qu’il énonce que l’intéressé constitue un danger pour l’ordre public et la sûreté des personnes et qu’il se réfère à un certificat médical annexé qui décrit avec précision l’état mental de l’intéressé au moment des faits, satisfait aux exigences de motivation. L’article L. 3213-1 du code de la santé publique est en ce sens, en indiquant que de tels arrêtés préfectoraux doivent motiver et énoncer avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire. Certaines juridictions du fond étaient d’ailleurs déjà allées, postérieurement à l’arrêt de 1997, dans le sens d’un raffermissement des exigences relatives à la motivation de l’arrêté préfectoral.
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