Toulouse, 9 févr. 2022, n° 20/03128

Par un arrêt rendu le 9 février dernier, la cour d’appel de Toulouse reconnaît le droit pour une femme transgenre, née homme, d’être désignée comme mère dans l’acte de naissance de son enfant biologique.

Dans cette affaire, un homme marié et déjà père de deux enfants avait obtenu son changement de sexe par un jugement de 2011. Il était ainsi devenu une femme à l’état civil. Quelques années plus tard, ayant conservé ses organes sexuels masculins, c’est en tant que femme qu’elle procrée naturellement avec celle qui est demeurée son épouse. Elle opère alors à l’égard de l’enfant né en 2014 une reconnaissance prénatale « déclarée être de nature maternelle, non gestatrice », dont elle demande par la suite sa transcription à l’état civil. L’officier d’état civil ayant refusé la transcription, elle conteste ce refus et assigne le procureur devant le tribunal de grande instance de Montpellier. Ce tribunal rejette sa demande de transcription mais, par la suite, la cour d’appel de Montpellier statue en sens inverse : elle ordonne judiciairement l’établissement du lien de filiation entre l’enfant et la demanderesse désignée comme « parent biologique » de l’enfant.

Ce premier arrêt d’appel est cassé partiellement par la Cour de cassation, en septembre 2020. Elle relève que la loi française ne permet pas de désigner dans les actes de l’état civil le père ou la mère de l’enfant comme parent biologique et que, par conséquent, les juges d’appel ne pouvaient créer une nouvelle catégorie à l’état civil. La haute juridiction les approuve, en revanche, de ne pas avoir accepté la transcription de la reconnaissance maternelle, tout en ouvrant la voie de l’établissement d’une filiation paternelle par reconnaissance, attachée à l’ancien sexe de la requérante.

C’est néanmoins une autre solution que choisit ici la cour d’appel de renvoi, à savoir la déclaration judiciaire de maternité. Constatant tout d’abord que « l’ensemble des parties s’accorde sur l’exclusion de la filiation paternelle », elle considère que la reconnaissance de paternité ne peut pas être retenue « dans la mesure d’une part où elle contraindrait [la requérante] à nier sa nouvelle identité sexuelle […] et d’autre part serait contraire au respect de sa vie privée et à l’autodétermination sexuelle garantis par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». La juridiction toulousaine observe ensuite que les principes internationaux de l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de sa vie privée « rendent impérative la nécessité de permettre à l’enfant né d’un couple dont l’un des membres est transgenre de voir sa filiation doublement établie à l’égard de ses deux parents ». Elle ajoute que la filiation maternelle « n’a nullement vocation à anéantir celle de l’autre » et qu’elle « ne s’inscrit pas dans une tentative de fraude à la loi mais de mise en conformité avec la réalité juridique », la fillette étant « biologiquement et sociologiquement » son enfant. Quant à la loi de bioéthique du 2 août 2021, relève enfin la juridiction, elle « démontre l’absence de trouble à l’ordre public d’une double filiation maternelle hors adoption ».

La cour d’appel établit dès lors « le lien de filiation maternelle » et « dit que cette filiation sera transcrite sur l’acte de naissance sous la mention de [la requérante] comme mère ». À moins qu’un éventuel renvoi devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation ne change de nouveau la donne…

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