Civ. 1re, 13 juill. 2017, F-P+B, n° 17-11.927

Née en Ukraine en 2006, une enfant avait vu sa résidence fixée chez sa mère, après la séparation de ses parents. En octobre 2014, la mère quitta l’Ukraine pour s’installer en France avec la fillette et ses trois autres enfants, issus de précédentes unions. Le père saisit alors les autorités ukrainiennes d’une demande de retour de sa fille et obtint gain de cause, un jugement du mois d’avril 2016 fixant chez lui la résidence de l’enfant. Après localisation de la mère, le juge aux affaires familiales, saisi par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, puis la cour d’appel de Versailles ordonnèrent le retour immédiat de l’enfant en Ukraine.

L’argumentation de la mère reposait notamment sur la contestation de l’existence d’un enlèvement international, au motif qu’il n’y aurait pas eu de violation d’un droit de garde. Mais la Cour de cassation observe qu’en l’espèce, le père s’était vu accorder un tel droit sur l’enfant par une décision ukrainienne de 2011 et que les décisions ukrainiennes de 2013 ne faisaient qu’accorder à chacun des parents le droit de circuler seul avec l’enfant sans l’autorisation de l’autre. Parce que ces décisions de 2013 n’autorisaient pas la mère à s’installer définitivement dans un pays tiers, elle ne pouvait pas, unilatéralement et sans l’accord du père, modifier la résidence de l’enfant en 2014. Elle aurait dû, préalablement à son départ avec l’enfant, obtenir l’accord du père ou l’autorisation du juge ukrainien.

La mère invoquait en outre le fait que son enfant s’était intégrée en France depuis plus d’un an au jour de l’introduction de la demande de retour. Or, la Convention de La Haye de 1980 prévoit que, lorsqu’il est saisi plus d’un an après l’enlèvement, le juge peut ne pas ordonner le retour s’il est établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu. Pour considérer que tel n’était pas le cas ici, les juges du fond ont relevé que la mère, qui ne s’exprime pas en français, a déposé une demande d’asile. Cependant, dans le même temps, ils ont constaté que l’enfant, qui réside en France depuis deux ans avec sa mère et ses demi-frères et sœur, est scolarisée depuis septembre 2015, comprend sans difficulté le français et le parle couramment. Les juges n’ont donc pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations. Aussi l’arrêt d’appel est-il cassé et la demande de retour de l’enfant rejetée, d’autant que, rappelle la haute juridiction, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants.

Auteur : Éditions Dalloz – Tous droits réservés.