Civ. 1re, 1er févr. 2017, FS-P+B+I, n° 15-27.245
Un enfant né en 2007 avait été reconnu par un couple. Le 14 novembre 2012, celui qui se considérait comme le père biologique de l’enfant avait assigné le père juridique en contestation de paternité. Par acte du 28 février 2013, il avait en outre assigné la mère en qualité de représentante légale de l’enfant. Un jugement du 17 décembre 2013 avait ensuite désigné un administrateur ad hoc aux fins de représenter l’enfant, dont les intérêts étaient en contradiction avec ceux de ses représentants légaux.
La cour d’appel ayant déclaré l’action irrecevable, l’intéressé forma un pourvoi en cassation dans lequel il reprochait en premier lieu aux juges du fond d’avoir jugé « forclos » le délai d’exercice de l’action. Selon lui, son assignation était intervenue dans le délai quinquennal prévu par la loi (C. civ., art. 333, al. 2) et les juges ne pouvaient qualifier ce dernier de délai de forclusion pour en déduire qu’il était insusceptible d’interruption et de suspension. L’article 2241 du code civil ne dispose-t-il pas, en effet, que les délais de prescription comme de forclusion sont interrompus par une demande en justice ?
Tout en maintenant la qualification de délai de forclusion, la première chambre civile rejette le pourvoi. Elle estime que « si le délai de forclusion prévu par l’article 333, alinéa 2 peut être interrompu par une demande en justice, l’action en contestation de paternité doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigée contre le père dont la filiation est contestée et contre l’enfant ». L’assignation du 14 novembre 2012 n’avait donc pu interrompre le délai de forclusion, dès lors qu’elle était dirigée seulement contre l’auteur de la reconnaissance de l’enfant, à l’exclusion de l’enfant lui-même.
Le demandeur au pourvoi affirmait en second lieu qu’en matière de filiation, la Convention européenne des droits de l’homme fait prévaloir la mise en conformité de la filiation juridique à la réalité biologique. A ses yeux, les règles de prescription ou la conformité du titre et de la possession d’état ne pouvaient donc faire échec à son droit au recours devant les tribunaux, lequel recours tendait précisément à privilégier la réalité biologique sur la filiation juridique.
A cela, la haute juridiction répond néanmoins qu’en relevant que « le législateur a choisi de faire prévaloir la réalité sociologique à l’expiration d’une période de cinq ans pendant laquelle le père légal s’est comporté de façon continue, paisible et non équivoque comme le père de l’enfant, ce qui ne saurait être considéré comme contraire à l’intérêt supérieur de celui-ci », la cour d’appel a légalement justifié sa décision.
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