Civ. 1re, 24 oct. 2012, F-P+B+I, n° 11-18.849

Le droit reconnu au mineur capable de discernement d’être entendu par le juge dans toute procédure le concernant peut être exercé en tout état de procédure. Cette audition étant de droit lorsque l’enfant en fait la demande, le juge ne peut tirer argument d’une première audition par le premier juge saisi pour refuser de procéder à une seconde audition.

Dans l’arrêt du 24 octobre 2012, la première chambre civile apporte des précisions relatives au régime procédural de l’audition du mineur dans les procédures le concernant. Ce régime, qui est contenu aux articles 338-1 à 338-12 du code de procédure civile, a connu une évolution importante à la suite du décret n° 2009-572 du 20 mai 2009 relatif à l’audition de l’enfant en justice.

En l’espèce, un divorce a été prononcé à la demande de l’épouse. Déboutant le mari d’une demande de résidence alternée de l’enfant du couple, le juge aux affaires familiales (JAF) a décidé de maintenir la résidence de ce dernier chez sa mère tout en reconnaissant au père un droit de visite et d’hébergement. La cour d’appel a, par la suite, été saisie et s’est vue transmettre une demande d’audition de la part de l’enfant. Elle avait toutefois refusé d’y accéder en retenant que si l’article 388-1 du code civil reconnaît au mineur qui le souhaite la possibilité d’être entendu dans toute procédure qui le concerne, ce droit ne peut être exercé à tous les stades de la procédure. Les juges avaient également observé que l’enfant avait pu être entendu par le juge de première instance, de sorte qu’une seconde audition en cause d’appel ne s’imposait pas.

Reprenant l’argumentation du demandeur au pourvoi dans l’un des moyens produits, la Cour de cassation casse, sur ce point, l’arrêt déféré aux visas combinés de l’article 388-1 du code civil et de l’article 338-2 du code de procédure civile. Elle précise que la demande d’audition peut être adressée au juge quel que soit l’état de la procédure et peut être présentée pour la première fois en cause d’appel. La cour régulatrice relève qu’en l’espèce, l’enfant avait sollicité son audition le lendemain de l’audience de plaidoirie ce qui aurait dû lui permettre d’être entendu par la juridiction.

Selon la Cour de cassation, l’intérêt primordial de l’enfant exige que ce dernier puisse être entendu quel que soit le moment auquel est présentée la demande d’audition. Elle a, par exemple, déjà censuré une cour d’appel qui ne s’était pas prononcée sur la demande de l’enfant au motif que celle-ci avait été présentée tardivement, à savoir en cours de délibéré (Civ. 1re, 18 mai 2005, Bull. civ. I, n° 212). Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait même conféré à ce droit un caractère fondamental en visant, en plus des articles 388-1 et 338-2 du code civil, les articles 3-1 et 12-2 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 qui reconnaissent pour le dernier le caractère prédominant de l’intérêt de l’enfant et pour le second, son droit d’être entendu par le juge lorsque ses intérêts sont en jeu.

Le présent arrêt s’inscrit donc dans la droite ligne de cette jurisprudence en reconnaissant à l’enfant la possibilité d’être entendu à tous les stades de la procédure, y compris lorsque la demande est présentée pour la première fois en cause d’appel. Outre cet aspect, le principal apport de cette décision est sans doute de préciser qu’il importe peu que le mineur ait déjà été entendu par la première juridiction saisie. En effet, la Cour de cassation met ici à mal le raisonnement des juges du fond qui avait tiré argument du fait que l’enfant s’était déjà exprimé devant la juridiction de première instance pour refuser de procéder à une seconde audition. La prépondérance ainsi accordée à la parole de l’enfant est aujourd’hui garantie par la lettre de l’article 388-1, alinéa 2, du code civil. Alors que ce texte prévoyait expressément que le juge pouvait, par une décision spécialement motivée, décider ne pas entendre l’enfant, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 a supprimé cette latitude donnée au juge. Dans sa nouvelle rédaction, cet article prévoit en effet que cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande, de sorte qu’il ne s’agit plus aujourd’hui d’une simple faculté. La Cour de cassation fait ici une stricte application de cette disposition en reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir accédé à la demande du mineur. Il en résulte que, dès lors que l’enfant en exprime le souhait, le juge ne peut refuser de recueillir son opinion dans les affaires le concernant, ce quel que soit l’état de la procédure.

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