Le juge des référés du Conseil d’État rejette des demandes de suspension de décrets relatifs à la déchéance de nationalité pour acte de terrorisme.

CE, ord., 20 nov. 2015, n° 394349, 394351, 394353, 394355, 394357

Le 7 octobre 2015, cinq personnes ont été déchues de leur nationalité par le Premier ministre pour acte de terrorisme commis entre 1995 et 2004. Elles alors saisi le Conseil d’État selon la procédure de l’urgence afin de demander la suspension de ces décisions. Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté leurs demandes en estimant qu’il n’existait pas de doute sérieux sur la légalité de ces décrets.

La déchéance de nationalité est prévue par l’article 25 du code civil. Cet article donne la possibilité au Premier ministre, après avis conforme du Conseil d’État, de déchoir de la nationalité française une personne qui possède une double nationalité. La déchéance peut être prononcée pour une personne condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.

Avant la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, il était possible de prononcer la déchéance lorsque les actes de terrorisme avaient été commis avant l’acquisition de la nationalité ou dans les dix ans suivant cette acquisition. Par ailleurs, cette déchéance ne pouvait être prononcée que dans les dix ans suivant la commission des faits. Ces deux délais de 10 ans ont été portés à 15 ans par la loi du 23 janvier 2006.

Concernant les cinq demandes de suspension, le Conseil d’État refuse les argumentations soulevées par les requérants.

En effet, les requérants ont été condamnés pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, ce qui constitue un acte de terrorisme (C. pén., art. 421-2-1). L’article 25 du code civil est alors bien applicable à la situation des requérants. Le Conseil d’État estime qu’il n’y a pas de doute sérieux sur ce point.

Par ailleurs, le Conseil d’État précise que l’allongement du délai de 10 à 15 ans, après la commission des faits (loi du 23 janvier 2006 précitée) qui permet au Premier ministre de prononcer la déchéance de nationalité s’applique dès l’entrée en vigueur de la loi de 2006, même si les actes de terrorisme avaient été commis avant cette loi. Ainsi, il n’existe pas de doute sérieux sur le fait que le Premier ministre a bien agi dans le délai applicable et qu’il n’avait pas méconnu le principe de non rétroactivité de la loi pénale.

Ensuite, en raison de la différence de finalités entre les condamnations pénales et les mesures de déchéance de nationalité française, les décrets contestés n’ont pas méconnu, en l’état de l’instruction, le principe de nécessité des peines ou la règle qui interdit de prononcer à l’encontre d’une même personne deux sanctions à raison des mêmes faits.

Enfin, les décrets ont été pris après avoir respecté la procédure contradictoire : les requérants ont été informés des condamnations pénales à raison desquelles le Gouvernement envisageait de prendre un décret de déchéance de nationalité, ils ont ainsi eu la possibilité de s’expliquer. Les droits de la défense ont ainsi été respectés

Le juge des référés du Conseil d’État a donc refusé de suspendre les décrets contestés qui restent par conséquent applicables jusqu’à ce que le Conseil d’État se prononce définitivement sur leur légalité.

Auteur : Éditions Dalloz - Tous droits réservés.