Les actes d’état civil établis par l’autorité étrangère sont présumés exacts sauf si l’administration peut prouver le contraire.

CAA Lyon, 3 mai 2018, n°  17LY02553 et 17LY03644

Par décisions en date du 7 juin 2017, le Préfet du Rhône a obligé un jeune né en Côte d’Ivoire mais de nationalité burkinabé, dont la minorité n'avait pas été reconnue, à quitter le territoire français et lui a interdit d’y revenir pendant 18 mois. Le jeune étranger a alors saisi le tribunal administratif de Lyon afin que ces décisions soient annulées. Mais le magistrat délégué de ce tribunal a rejeté sa demande. Il a alors fait appel.

La cour administrative d’appel de Lyon vient d’annuler les décisions du Préfet du Rhône en reconnaissant que le jeune burkinabé était mineur lors de son arrivée sur le territoire français.

En l’espèce, le jeune homme soutenait être né le 20 octobre 2001 et avait produit un acte d’état civil ivoirien daté du 30 décembre 2016, mentionnant une telle date de naissance.

En première instance, le préfet avait produit une pièce selon laquelle le jeune homme aurait été interpellé par les services de police pour des faits de recel de faux et escroquerie à raison de la détention de cet acte d’état civil, considéré comme falsifié.

Toutefois, c’est à l’administration de prouver que cet acte d’état civil était falsifié, en indiquant les anomalies permettant de le considérer comme tel mais elle n’a pas produit le rapport du service des fraudes documentaires qui est seulement mentionné dans les procès-verbaux d’audition du jeune homme par les services de police, produits par le Préfet en première instance, et non accompagnés d’un mémoire en défense.

Pour la première fois en appel, le Préfet soutient que les tampons apposés sur l’acte d’état civil litigieux contiennent des anomalies. Mais le seul fait pour l’administration d’affirmer sans précision et sans produire le rapport du  service des fraudes documentaires ne peut permettre de considérer que cet acte était un faux. Si l’administration ne pouvait pas produire le caractère falsifié de l’acte, elle pouvait solliciter les autorités de l’État ivoirien, afin de vérifier le caractère authentique de l’acte. Or, elle n’a pas procédé à de telles vérifications.

Concernant les résultats d’examens médicaux (tests osseux), le caractère est imprécis et contesté par la communauté médicale. Il ne permet pas d’établir, à eux seuls, la majorité du jeune burkinabé.

Par ailleurs, ce dernier a produit en appel, sans que le Préfet ne critique sérieusement la portée de ces documents en faisant valoir qu’ils sont postérieurs à la décision litigieuse :

  • une attestation consulaire selon laquelle l’acte d’état civil produit est authentique ;
  •  une carte d’identité consulaire, établie le 8 août 2017, et mentionnant une date de naissance conforme à ses dires ;
  • un certificat de nationalité burkinabé en date du 2 août 2017, qui atteste également de la date naissance alléguée ;
  •  une attestation d’une personne qui indique l’avoir accompagné au consulat et qu’il s’est bien vu remettre les documents ;
  • une attestation tenant lieu de passeport de la part du consulat du Burkina Faso, confirmant toujours la date de naissance alléguée ;
  •  une ordonnance du juge des enfants de la cour d’appel de Versailles, en date du 27 octobre 2017, retenant la minorité du jeune homme et ordonnant son placement à l’aide sociale à l’enfance.

Il s’ensuit que le jeune burkinabé doit être regardé comme ayant été mineur à la date de la décision litigieuse, laquelle méconnaît, par suite, les dispositions du 1° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile selon lesquelles l'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

La cour administrative d’appel de Lyon annule donc l’obligation de quitter le territoire français en date du 7 juin 2017 et les décisions fixant le pays de destination de cette mesure et lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant dix-huit mois.

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