Com. 10 févr. 2015, FS-P+B, n° 13-24.659

En l’espèce, une indivision post-communautaire avait été prononcée le 10 mars 1992 et fixait les effets patrimoniaux entre les époux au 28 avril 1989. Le partage n’était toujours pas réalisé, lorsque, le 20 janvier 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de l’ancien mari. Le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt infirmatif par les héritiers de l’ex-épouse, décédée en cours d’instance, soulevait trois questions.

La première question était celle de la date de naissance des créances d’un copartageant dans le cadre de l’indivision post-communautaire. Il s’agissait d’une créance de dommages et intérêts, d’une indemnité d’occupation et des charges de copropriété. Contrairement à ce que soutenait le pourvoi, la Cour de cassation a considéré que les créances ne naissent pas du partage mais, respectivement du jugement de divorce et du fait de l’occupation de l’immeuble. Conformément à sa jurisprudence, toutes les créances relatives à la liquidation du régime matrimonial suivent les règles du droit commun et doivent être déclarées en application des dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce. Il suffit que le fait générateur de la créance soit antérieur au jugement d’ouverture pour qu’elle soit soumise à déclaration et ce, même si elle n’est à cette date ni liquide, ni exigible. La Cour de cassation a logiquement considéré, dans cette affaire, que la créance de dommages et intérêts était née par le jugement de divorce fixant son montant et celle de l’indemnité d’occupation par l’occupation par l’époux de l’immeuble. Seules les créances alimentaires, dont la prestation compensatoire, échappent à cette règle et n’ont pas à être déclarées à la procédure collective.

La deuxième question portait sur l’acquisition par les époux de l’appartement faisant partie de la société d’acquêts. La question était de savoir si le mari pouvait se prévaloir du remboursement du prêt de l’immeuble dépendant de l’indivision. Ce bien avait été financé par le biais d’un emprunt contracté par les deux époux pendant le mariage. L’immeuble, devenu indivis, était occupé par le conjoint qui remboursait les échéances du prêt  et avait renégocié l’emprunt pour en être seul emprunteur à partir du 31 mars 1999. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir pris en compte dans la liquidation et le partage de l’indivision les paiements réalisés par l’époux en l’absence des formalités de subrogation légale prévues par l’article 1250, 2°, du code civil. Cette argumentation est logiquement rejetée en application de l’article 815-13 du code civil qui dispose qu’« il doit être tenu compte des dépenses nécessaires que l’indivisaire a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés ». Au demeurant, le bien indivis étant la propriété des deux époux, il était logique que la charge définitive du remboursement du prêt revienne à l’indivision.

Enfin le troisième moyen invitait à se prononcer sur la recevabilité de la tierce opposition incidente formée par les héritiers au jugement du 26 janvier 2012 prononçant le plan de redressement et l’inaliénabilité de l’appartement, alors même qu’un jugement du 8 février 2011 statuant sur les difficultés relatives à la liquidation du régime avait ordonné la licitation de ce même bien. Pour déclarer la tierce opposition incidente irrecevable, la cour d’appel relevait, outre le caractère tardif du recours, que seul le débiteur peut présenter une requête aux fins de mainlevée de l’inaliénabilité (C. com., art. R. 626-31). La Cour de cassation censure ici les juges du fond au visa de l’article 815 précité. Elle estime qu’indépendamment de l’irrecevabilité de la tierce opposition au jugement déclarant le bien inaliénable, un indivisaire ne peut se voir opposer une déclaration d’inaliénabilité. Il semble que la chambre commerciale ait fait une analyse purement civiliste refusant de porter atteinte aux droits des indivisaires : les indivisaires étant individuellement titulaires d’un droit de propriété absolu, exclusif et perpétuel, il n’est pas possible de rendre inaliénable l’ensemble du bien ; il serait tout au plus possible de le faire sur la quote-part de l’indivisaire soumis à la procédure collective.

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