Soc. 21 nov. 2012, FS-P+B, n° 10-27.429

Si un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) conclu pour la durée d’un chantier peut succéder à un contrat à durée déterminée (CDD) conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité sur le même chantier, cette succession ne peut entraîner l’application de l’article L. 1243-11 du code du travail.

Il est de principe que le contrat de travail conclu pour la durée d’un chantier revêt la nature d’un contrat à durée indéterminée à moins qu’il ne soit conclu dans l’un des cas énumérés par l’article L. 1242-2 du code du travail où il peut être recouru à un contrat à durée déterminée. Si la nature du contrat dit « de chantier » et son régime semblent ne plus véritablement poser de difficultés en jurisprudence, la question de la succession d’un CDD et d’un CDI conclu pour le même chantier ne s’était encore jamais posée.

Dans un premier temps, la Cour de cassation décide, pour la première fois, qu’un contrat de travail à durée indéterminée conclu pour la durée d’un chantier peut succéder à un contrat à durée déterminée conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité sur le même chantier. Rien de plus justifié puisque chacun des contrats est conclu pour un objet qui lui est propre tout en restant distinct de celui du contrat qui le suit ou le précède.

L’accroissement d’activité peut résulter, par exemple, d’un retard pris sur certains travaux du chantier ; une fois ces travaux terminés, le chantier reprend son cours normal, ce qui pourrait expliquer la conclusion d’un nouveau contrat pour la totalité de la durée du chantier.

En revanche, la Cour refuse, dans un second temps, de faire application des dispositions de l’article L. 1243-11 du code du travail lorsque l’activité du salarié se poursuit, après le terme du contrat à durée déterminée, aux conditions d’un contrat à durée indéterminée conclu entre les parties. La position adoptée vaut, bien entendu, pour le contrat de chantier mais, également, pour tout contrat à durée indéterminée qui succèderait à un contrat à durée déterminée.

Si le présent arrêt devait constituer un revirement de jurisprudence, ce dont il a tout l’air, la durée du contrat à durée déterminée ne serait plus prise en compte dans le calcul de l’ancienneté du salarié et dans celui de la durée de l’essai et ce contrat ne servirait plus de référence pour déterminer les éléments du contrat à durée indéterminée, non prévus par les parties, ainsi que les conditions de travail y afférentes. L’arrêt serait, par là même, purement et simplement contra legem. Outre que, selon les propres termes de la Cour, la règle de l’article L. 1243-11 du code du travail est d’application générale, la finalité même de ce texte milite en faveur de sa mise en œuvre, qu’un contrat de travail à durée indéterminée succède immédiatement au contrat à durée déterminée ou que la relation se poursuive sans qu’aucun contrat ne soit formellement conclu. Cette disposition a pour but d’éviter que ce qui constitue en apparence une seule et même relation de travail soit scindé en deux contrats distincts. C’est d’ailleurs pourquoi le texte vise généralement la poursuite de la relation contractuelle de travail et que la requalification ne concerne que le CDD poursuivi, le contrat qui suit étant nécessairement, sauf renouvellement du CDD ou conclusion valable d’un nouveau, un CDI. 

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