Loi n° 2014-344, 17 mars 2014, JO 18 mars

Déposé le 2 mai 2013, le projet de loi relatif à la consommation est désormais devenu une longue loi formant un ensemble hétéroclite de dispositions destinées à renforcer les droits du consommateur. Certaines mesures se révèlent particulièrement importantes, comme l’insertion en droit français de l’action de groupe, ou une plus grande lisibilité dans la réglementation des contrats à distance. Voici un aperçu des quelques grandes lignes de force de ce texte-fleuve.

L’action de groupe

La protection du consommateur passant par l’exercice de ses droits, l’action de groupe se voit introduite en droit français, aux articles L. 423-1 et suivants du code de la consommation. Selon ce texte, il s’agit d’obtenir réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles. Mais le champ d’application de l’action de groupe est beaucoup plus réduit qu’il n’y paraît. Tout d’abord, en raison de la titularité de l’action. Elle n’est ouverte qu’aux associations de défense représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation, ce qui leur confère indéniablement un monopole (un prochain décret viendra compléter ces dispositions quant aux modalités d’introduction de l’action de groupe, laquelle suspend la prescription des actions individuelles). Ces associations peuvent toutefois, avec l’autorisation du juge, s’adjoindre les services d’une personne appartenant à une profession judiciaire réglementée. De plus, les limites de l’action sont circonscrites quant à l’objet du préjudice réparable selon ce mode, car elle ne sera exercée qu’à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services et ne pourra porter que sur la réparation de préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. C’est dire si l’on est loin de la class action nord-américaine.

C’est le tribunal de grande instance qui connaîtra des actions de groupe (COJ, art. L. 211-15). Il dispose à cet égard d’une compétence d’attribution. Les articles L. 423-3 et suivants indiquent ensuite le contenu du jugement intervenant sur la responsabilité. C’est dans cette décision que le juge définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, les critères de rattachement, les préjudices devant être réparés, leur montant, les mesures d’information des consommateurs (étant entendu que les mesures de publicité restent à la charge de l’entreprise), le délai pour adhérer au groupe et le délai dans lequel la réparation doit intervenir. L’indemnisation au sens strict - c’est-à-dire le versement de la réparation - interviendra au travers de l’association, transitant par un compte ouvert à la caisse des dépôts et consignations (CDC) spécialement à cet effet. Le jugement a autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé (C. consom., art. L. 423-21).

Une action de groupe simplifiée a été créée (C. consom., art. L. 423-10). Elle intervient quand l’identité et le nombre de consommateurs lésés sont connus et lorsque ceux-ci ont subi un préjudice d’un même montant. Dans cette éventualité et pour l’essentiel, le juge peut condamner le professionnel à indemniser directement les consommateurs, ceux-ci en étant alors informés individuellement. Encore au titre des régimes spéciaux, il faut relever que l’action de groupe obéit à quelques règles spécifiques quand elle intervient dans le domaine de la concurrence. La responsabilité ne peut être prononcée sur le fondement d’une décision d’une juridiction nationale ou de l’Union européenne constatant les manquements et insusceptible de recours de ce point de vue (C. consom., art. L. 423-17).

Par ailleurs, le législateur a cherché à favoriser la transaction tout en l’encadrant, ce afin d’éviter les dérives. Ainsi, seule l’association requérante pourra participer à une procédure de médiation. De même, un accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge, chargé de vérifier qu’il est conforme aux intérêts des consommateurs, lui conférant alors force exécutoire.

Le texte nouveau précise enfin que l’on ne saurait prévoir une clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe. Une telle clause sera réputée non écrite (C. consom., art. L. 423-25).

Une obligation précontractuelle d’information

Le code de la consommation s’ouvre désormais par une définition du consommateur : « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » (C. consom, art. préliminaire).

Par ailleurs, en vertu des nouveaux articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, toute une série d’informations doit être donnée par le professionnel au consommateur avant que celui ne contracte, les exigences en ce domaine étant sensiblement renforcées lorsqu’il s’agit d’un contrat de fournitures de services et qu’il n’y a pas d’écrit.

Le professionnel devra prendre garde à se réserver la preuve de ce qu’il a accompli cette obligation : en effet, selon l’article L. 111-4, il lui appartient de prouver qu’il a exécuté ses obligations, ce d’autant que le manquement à ces dispositions est sanctionné par une amende administrative.

Réglementation des contrats à distance et hors établissement

La loi sur la consommation s’intéresse longuement à la réglementation des contrats conclus à distance, c’est-à-dire, selon le nouvel article L. 121-16, le « contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication jusqu’à la conclusion du contrat ». Sont également visés les contrats « hors établissement », c’est-à-dire, pour l’essentiel, ceux conclus hors du lieu habituel d’exercice de l’activité, de sorte que le démarchage et la vente à distance sont maintenant traités de manière identique. Le texte de l’article L. 121-16-1 prévoit diverses exceptions à cette réglementation, dont les contrats portant sur les services financiers, ou ceux portant sur les services de transport de passagers. Le dispositif est profondément remanié et les sites de vente à distance devront nécessairement être remis à jour. Sans être exhaustif, cette réglementation nouvelle envisage, par exemple, l’existence d’une obligation d’information précontractuelle (C. consom., art. L. 121-17) portant, notamment, sur l’existence (ou l’absence) du droit de rétractation et de ses modalités d’exercice. Le démarchage téléphonique est aussi réglementé, avec l’obligation pour le professionnel contactant un consommateur d’indiquer au début de la conversation les éléments de son identification, étant entendu que ce professionnel devra adresser une confirmation écrite de l’offre (C. consom., art. L. 121-20).

Une innovation essentielle concerne encore les contrats à distance, ainsi que ceux conclus hors établissement ou à la suite d’un démarchage téléphonique. Dans ces éventualités, le délai légal de rétractation est porté à quatorze jours (C. consom., art. L. 121-21 ; le délai est prolongé de douze mois si les informations relatives au délai de rétractation n’ont pas été fournies, V. C. consom., art. L. 121-21-1), à compter de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de services, ou de la réception du bien par le consommateur pour les contrats de vente de biens.

Le texte de l’article L. 121-21-8 prévoit toute une série d’exceptions au droit de rétractation : ainsi en ira-t-il pour la fourniture d’un journal, d’un périodique ou d’un magazine, sauf pour les contrats d’abonnement à ces publications ou, encore, parmi de nombreuses autres, pour les prestations de services d’hébergement, autres que d’hébergement résidentiel, de services, de transport de biens, de locations de voitures, de restauration ou d’activités de loisirs qui doivent être fournis à une date ou à une période déterminée.

La recrudescence du démarchage téléphonique, et les nombreuses récriminations s’étant ensuivies, nécessitaient une intervention du législateur. C’est chose faite avec l’article L. 121-34 qui met en place un fichier sur lequel le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection peut s’inscrire. Tout manquement à cette disposition sera sanctionné par une amende administrative (C. consom., art. L. 121-34-1). Autre innovation à propos du démarchage téléphonique : l’utilisation d’un numéro masqué est interdite.

Renforcement des garanties du consommateur

En termes de garanties, la protection du consommateur est accrue. Ainsi, celui-ci doit être informé de l’existence de la garantie légale de conformité, et le cas échant de l’existence d’une garantie commerciale et d’un service après-vente. Le délai pour l’apparition des défauts de conformité est porté à vingt-quatre mois à compter de la délivrance du bien, sauf pour les biens vendus d’occasion, pour lesquels la durée reste de six mois (C. consom., art. L. 211-7, al. 1 et 2 ; l’entrée en vigueur de cette disposition étant retardée de deux ans). La garantie commerciale de l’article L. 211-15 est également légèrement retouchée. De même, l’article L. 131-1 du code de la consommation est réécrit et, sauf en cas de stipulation contraire, qualifie d’arrhes toutes sommes versées d’avance pour tout contrat de vente ou de prestation de services conclus entre un professionnel et un consommateur, de sorte que, dans cette hypothèse, il est possible à chacun de revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. Quelques contrats spéciaux sont parfois retouchés à la marge, à l’exemple des contrats conclus dans les foires et salons (C. consom., art. L. 121-97 et 98), à l’occasion desquels une information spécifique est due, ou encore, parmi d’autres, des contrats d’achat de métaux précieux (art. L. 121-99 s.).

Crédit à la consommation, surendettement, hypothèque rechargeable

L’information en matière de crédit à la consommation est également améliorée, notamment lorsque la publicité se veut comparative dans l’éventualité d’un regroupement de dettes (C. consom., art. L. 311-5, al. 3). On notera également quelques modifications en matière de surendettement. Ainsi, par exemple, la durée maximale d’un plan de surendettement ou de rétablissement personnel descend à sept ans au lieu de huit. Cependant, le plan peut excéder cette durée lorsque les mesures qu’il comporte concernent le remboursement de prêts contractés pour l’achat d’un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur dont elles permettent d’éviter la cession ou lorsqu’elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession du bien immobilier constituant sa résidence principale.

Visiblement, selon le législateur, la protection du consommateur passe par sa mise à l’écart de certains facteurs susceptibles de favoriser l’endettement. Aussi, la loi sur la consommation entérine l’acte de décès de l’hypothèque rechargeable qui n’aura donc pas duré dix ans. Ainsi, tant la section 6 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de la consommation que l’article 2422 du code civil sont abrogés. Toutefois, cet article n’entre pas en vigueur avant le 1er juillet 2014 et ne s’applique pas aux contrats conclus avant cette date, de sorte qu’il subsistera encore quelques rares hypothèques rechargeables.

Renforcements spécifiques en droit bancaire et en droit des assurances

Le droit bancaire est affecté, quand bien même le fichier positif n’aurait pas passé le filtre du Conseil constitutionnel. Il est désormais rappelé que la clôture d’un compte de dépôt est gratuite. De plus, les établissements doivent mettre à la disposition de leurs clients une documentation relative à la mobilité bancaire. Le droit des assurances est également retouché, avec la création, par exemple, d’un article L. 112-10 du code des assurances à propos des produits d’assurances vendus en complément d’un bien ou d’un service. Ainsi s’il justifie d’une garantie antérieure pour le même bien, l’assuré dispose d’un droit de renonciation, sans frais ni pénalité, tant qu’il n’a pas été exécuté ou que l’assuré n’a fait intervenir aucune garantie, ce dans la limite de quatorze jours à compter de la conclusion du nouveau contrat.

Dispositions diverses

La réforme touche tous les secteurs, même la vente de verres correcteurs ou de lentilles. Ainsi, l’article L. 4134-1 du code de la santé publique précise que les prescriptions médicales de verres correcteurs doivent indiquer la valeur de l’écart pupillaire du patient. Mais surtout, la délivrance de verres correcteurs ou de lentilles de contact est réservée aux personnes autorisées à exercer la profession d’opticien-lunetier, étant entendu qu’une prescription médicale en cours de validité est nécessaire.

La publicité par les avocats est également affectée par le texte et la grande presse commence à s’en faire l’écho. En effet, l’article 13 de la loi complète l’article 3 bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Il précise que l’avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée, la prestation effectuée à la suite de cette dernière devant faire l’objet d’une sollicitation personnalisée. Un décret devra préciser les conditions d’application de cette innovation.

Mais le texte a également été l’occasion de réglementer l’activité des voitures de tourisme avec chauffeur, ainsi que celle des deux et trois roues. L’article L. 231-3 nouveau du code du tourisme ne leur facilitera pas la tâche. Ainsi y est-il indiqué que les voitures de tourisme avec chauffeur ne peuvent être louées à la place et ne peuvent prendre en charge un client que si le conducteur peut justifier d’une réservation préalable. De même, elles ne peuvent ni stationner ni circuler sur la voie publique en quête de clients, ou à l’abord des gares et aérogares, sauf si le conducteur peut, une fois encore, justifier d’une réservation (les art. L. 3121-11 et L. 3123-2 du code des transports prévoient le même type de dispositions pour l’activité de conducteur de véhicule motorisé à deux ou trois roues pour le transport de personnes à titre onéreux).

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