TA Lille, 26 mars 2018, « Association Mine de savoirs » et a., n°  1800869

Un maire ne peut s’opposer à l’ouverture d’une école privée hors contrat que si elle contrevient aux bonnes mœurs ou à l’hygiène.

En vertu de l’article L. 441-1 du code de l’éducation, le maire peut s’opposer à l'ouverture d'un établissement d'enseignement scolaire privé uniquement pour des raisons de bonnes mœurs ou d’hygiène.

En pratique, la déclaration d’ouverture d’une école primaire privée hors contrat est adressée au maire qui l'inscrit sur un registre et l'affiche pendant un mois ce qui lui permet de vérifier si les locaux sont convenables tant sur le plan des «bonnes moeurs» (proximité d'activités nuisibles ou de commerces dangereux) que de «l'hygiène»; un plan des locaux doit être joint. Cette déclaration doit en outre être adressée au préfet, au procureur de la République et à l'inspecteur d'académie, qui sera destinataire d'un dossier plus complet portant non seulement sur les locaux mais aussi sur la personne déclarante. Si le maire s’oppose à l’ouverture de l’école, il le fait savoir par écrit au recteur d'académie et à l'inspecteur d'académie en indiquant les motifs de sa décision. Informées par la déclaration préalable, les autorités administratives peuvent faire opposition à l'ouverture par décision motivée. L'autorité administrative doit ainsi vérifier que l'établissement dont l'ouverture est envisagée ne contrevient pas aux bonnes mœurs ou à l'hygiène. Ce sont les deux seuls motifs d'opposition à l'ouverture d'un établissement d'enseignement scolaire privé. A défaut d'opposition, l'établissement est ouvert dans le délai d'un mois.

Si le maire estime que les locaux ne sont pas convenables comme en l’espèce, notamment s'ils ne sont pas conformes aux exigences de la réglementation sur les établissements recevant du public, il dispose de huit jours pour faire opposition et en informer le demandeur. En tout état de cause, l'opposition du maire fait obstacle à l'ouverture de l'école alors même que les services académiques ont levé la leur; cette opposition suffit à rendre illégale cette ouverture, sous peine de poursuites judiciaires. L'inspecteur d'académie peut former opposition dans l'intérêt des bonnes moeurs et de l'hygiène. L'opposition peut en outre être justifiée par des éléments tirés de l'organisation pédagogique.

En l’espèce, l’association « Mine de savoirs » a souhaité ouvrir, sur le territoire de la commune de Raismes, une « école privée musulmane éco-citoyenne mixte ». Elle a fait signifier au maire de cette commune sa déclaration d’intention d’ouverture. Celui-ci s’est opposé le 30 juin 2016 pour des motifs tirés de manquements aux règles d’hygiène. Elle en a pris acte, a informé le maire de travaux dans la future école et a souhaité poursuivre dans le même temps la procédure en vue d’une ouverture de l’école à la rentrée 2017.

Par lettre du 25 juillet 2016, l’inspecteur d’académie a informé qu’il s’opposait également à l’ouverture de l’école dans l’attente d’une visite de contrôle par un inspecteur de l’éducation nationale. Après avoir effectué les travaux annoncés, l’association a déposé une nouvelle déclaration d’intention d’ouverture d’une école privée, pour laquelle un récépissé a été délivré le 6 décembre 2016. Par arrêté du 8 décembre 2016, le maire a fait opposition à cette nouvelle déclaration. Le 9 février 2017, l’inspecteur d’académie a également fait opposition à l’ouverture de l’école. Toutefois, suite à la visite effectuée par une inspectrice de l’éducation nationale le 26 avril 2017, cette opposition a été levée le 21 juin 2017.

Le 1er septembre 2017, le maire de la commune de Raismes a saisi le recteur de l’académie de Lille d’une demande tendant au retrait de la décision de levée d’opposition du 21 juin 2017. Cette demande a été rejetée et le maire a saisi le juge des référés du tribunal administratif qui a rejeté sa requête pour défaut d’urgence (TA Lille, ord., 28 sept. 2017, Cne de Raismes, n° 1707841).

L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 26 mars 2018 répond à la demande de suspension de l’exécution de la décision d’opposition du maire de la commune de Raismes du 8 décembre 2017 refusant l’ouverture de l’école primaire privée. Le juge rejette les motifs invoqués par le maire car ils ne sont pas fondés et ne relèvent pas de la question de l’hygiène et des bonnes mœurs mais de législations autres, pour lesquelles il existe des procédures spécifiques.

Dans cette affaire, le juge des référés souligne notamment que l’association requérante avait cru que la levée d’opposition à l’ouverture de l’école emportait levée de l’opposition du maire. Ce n’est que suite à l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal le 28 septembre 2017 que les parties ont compris que cela n’était pas le cas. Dans ces conditions, il en saurait être reproché aux requérantes ni d’avoir attendu plus d’un an avant de saisir le juge des référés d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision litigieuse, ni d’avoir elle-même créé l’urgence alléguée en faisant

Auteur : Éditions Dalloz – Tous droits réservés.