Civ. 2e, 4 oct. 2012, F-P+B, n° 11-25.063

La déchéance des droits des tiers payeurs à l’encontre de l’assureur de l’auteur du dommage, prévue par l’article L. 211-11 du Code des assurances en raison du défaut de production de leurs créances dans les délais impartis, ne leur est opposable que si la procédure d’indemnisation organisée par les articles L. 211-9 et suivants a été respectée.

L’article L. 211-11, alinéa 2, du code des assurances énonce une sanction drastique quand le tiers payeur ne répond pas suffisamment promptement à l’assureur l’interrogeant sur le montant de sa créance : « dans tous les cas, le défaut de production des créances des tiers-payeurs, dans un délai de quatre mois à compter de la demande émanant de l’assureur, entraîne déchéance de leurs droits à l’encontre de l’assureur et de l’auteur du dommage ». Aussi les conditions de l’application de ce texte sont-elles regardées avec attention.

La sanction n’est pas anodine et c’est sans doute pour cette raison que la Cour de cassation rappelle qu’« il résulte de l’article L. 211-11 du code des assurances que la déchéance des droits des tiers payeurs à l’encontre de l’assureur de l’auteur du dommage, laquelle sanctionne le défaut de production de leurs créances dans le délai de quatre mois à compter de la demande de l’assureur de la personne tenue à réparation, ne leur est opposable que dans la mesure où les conditions et délais de la procédure d’indemnisation organisée par les articles L. 211-9 et suivants du code des assurances ont été respectés par l’assureur ». En effet, le mouvement est aujourd’hui connu et, depuis maintenant plus de dix ans, la Cour de cassation rappelle que la déchéance prévue par l’article L. 211-11, anciennement l’article 14 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, n’est appelée à opérer que dans le cadre de la procédure d’indemnisation organisée par les articles L. 211-9 et suivants du code des assurances. Dès lors, le texte ne sera pas applicable si la demande du tiers a été introduite en justice, ou en l’absence de transaction entre la victime et l’assureur, puisqu’il s’agit là, après tout, de la philosophie du système mis en place en 1985. Dans ces éventualités, le tiers payeur est recevable, selon le droit commun, à demander le recouvrement des prestations versées. Que le texte de l’article L. 211-11 s’inscrive dans le cadre de l’article L. 211-9 du code des assurances n’est pas étonnant dans la mesure où l’on sait que le législateur a entendu privilégier un traitement rapide de l’indemnisation en cas de transaction. L’assureur est tenu à des délais serrés pour transmettre son offre alors même que le tiers payeur est lui confronté à des difficultés pour évaluer le montant de sa créance.

Évidemment, dire que le texte ne joue que dans le cadre de la procédure d’offre mise en place par les articles L. 211-9 et suivants implique, selon cet arrêt, que l’assureur ait respecté cette procédure, et plus précisément « les conditions et délais » de celle-ci. Cette solution avait déjà été proposée par la Cour de cassation dans des termes exactement similaires (Civ. 2e, 8 mars 2006 [2 arrêts], nos 04-11.408 et 03.20-258, Bull. civ. II, no 64), et qui avait reproché à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’offre d’indemnité à la victime avait été faite dans les conditions et délais prévus par l’article L. 211-9.

Dans cette affaire, rappelant la règle qui précède par un attendu dénué de toute ambiguïté, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que l’assureur ne pouvait opposer la déchéance au tiers payeur.

En effet, à l’appui de cette solution, la cour d’appel retient, notamment, que la lettre de relance ne comportait pas la reproduction des articles L. 211-11 et L. 211-12 ainsi qu’il est prescrit pour la lettre contenant la demande, selon l’article R. 211-41 (ce point était débattu par les moyens, l’article précité vise généralement : « la demande adressée par l’assureur à un tiers payeur en vue de la production de ses créances »), mais également et surtout qu’il n’y avait aucune preuve que l’assureur avait avisé le mandataire du tiers-payeur de ce qu’une transaction allait être signée. De même, la transaction ne fait en aucune façon état des créances correspondant à celles pour laquelle la société intervenait comme mandataire ni même du fait que des frais futurs étaient à envisager. Aussi, selon la cour d’appel, les conditions et délais de la procédure d’indemnisation prévue par les textes n’avaient pas été respectés par l’assureur. Ainsi, la déchéance ne pouvait être encourue.

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