Civ. 1re, 19 sept. 2019, FS-P+B, n° 18-19.665

Une femme épouse un homme à Las Vegas en 1981. En 1995, en France cette fois, elle se marie à un autre homme sans informer ce dernier de l’existence de la première union. Il ne l’apprend que bien plus tard et demande alors, en 2012, l’annulation du mariage contracté en France, pour bigamie.

Il est débouté de sa demande par les premiers juges. Ceux-ci estiment que le mariage célébré à Las Vegas n’était pas valable en France, en l’absence d’une volonté réelle du couple de se marier dans cette ville, la cérémonie ayant eu lieu par simple jeu, dans le cadre d’un séjour touristique. La Cour de cassation est du même avis et, en conséquence, rejette le pourvoi de l’intéressé.

Préférant faire déclarer nul le mariage contracté en France, le second mari faisait valoir que la cour d’appel a prononcé la nullité du mariage célébré à Las Vegas en 1981 plus de trente ans après sa célébration, alors qu’elle aurait dû, selon lui, relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité. Toutefois, la haute juridiction rappelle qu’aux termes de l’article 2247 du code civil, les juges ne peuvent suppléer d’office le moyen résultant de la prescription, même lorsque la prescription est d’ordre public. Les juges du fond ne pouvaient donc relever d’office la prescription trentenaire de l’action en nullité du mariage célébré en 1981, prévue à l’article 184 dudit code.

Par ailleurs, la Cour considère que les juges d’appel ont souverainement déduit des circonstances de l’espèce que le consentement à mariage faisait défaut, de sorte que, l’union célébrée en 1981 étant inopposable, la demande d’annulation du mariage de 1995 devait être rejetée. Les juges ont en effet relevé que l’épouse avait présenté la cérémonie à Las Vegas à ses amis comme un rite sans conséquences, que le voyage n’avait pas eu pour but ce mariage puisque les bans n’avaient pas été publiés, que les « conjoints » n’avaient entrepris aucune démarche en vue de sa transcription à leur retour en France, qu’ils n’avaient pas conféré à leur enfant le statut d’enfant « légitime » puisqu’ils l’avaient reconnu, sans aucune allusion à leur mariage dans l’acte de naissance, et qu’ils avaient tous deux contracté des unions en France après ce mariage.

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